Alain ...... a écrit :
> Attiré par le sérieux apparent du livre très ambitieux de Jean Staune "Notre existence a-t-elle un sens?" je suis en train de le lire.
> Cet auteur tente une synthèse en philosophie des sciences et tente de faire le point sur l'évolution de la physique.
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> Pour un profane c'est assez bluffant et tellement bien écrit qu'on a l'impression d'apprendre et de comprendre beaucoup de choses.
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Ta phrase en tout cas rappelle que les besoins en vulgarisation sérieuse demeurent énormes. La tâche de l'historien des sciences est ici fort compliquée par le fait que ce qui est enseigné n'a pas atteint sa maturité, et patauge encore dans ses errements de jeunesse, toujours pas corrigés.
Pendant longtemps, disons depuis 1500, l'immense supériorité intellectuelle et morale du mouvement scientifique, sur ses rivaux religieux, a été son accès à la correction de ses propres erreurs, son excellent accès à un chemin de résipiscence.
Hélas l'enseignement, lui, est peu doué pour la résipiscence.
L'enseignement des sciences a réussi à lentement tuer une large part de l'esprit scientifique.
Dans le mémoire de DEUG de juin 2000 (
http://lavaujac.club.fr/je_fais1.htm,
http://lavaujac.club.fr/je_fais2.htm : La persistance de schèmes infantiles dans l’enseignement des mathématiques et de la physique.) je démontrais comment la mathématisation de la physique demeurait une non-science, ayant défailli à se donner des épreuves de réalité et des méthodes scientifiques, demeurait une coutume, dépourvue de droit écrit.
Ce que le succès d'un hâbleur comme Staune démontre, c'est que l'histoire des sciences non plus, n'a pas encore su se donner les moyens de devenir une science. C'est demeuré un art de griot, qui suit les coutumes, et qui chante les exploits des chefs actuellement puissants.
Michel Foucault, dans ses cours au Collège de France, avait démontré en détail que l'enjeu des programmes d'histoire, enseignés en classes primaires et secondaires, est de fonder moralement le droit public, le justifier.
Mutatis mutandis, chaque historien des sciences est d'abord un publicitaire, qui sert à justifier des crédits pour sa branche, contre la concurrence pour cette ressource rare. En effet, il n'y a que trois sortes de ressources financières pour la recherche scientifique : L'argent public, l'argent d'industries du secteur concurrentiel, l'argent de fondations (et marginalement celui de donations privées, orchestrées style Téléthon). Et ces ressources sont limitées.
Alors qu'on dispose de règles de l'art satisfaisantes pour évaluer la la jeunesse, la maturité et l'obsolescence d'un produit industriel, avec un modèle satisfaisant de l'innovation et du progrès technique, je crains qu'on n'ait encore aucun modèle fiable pour évaluer de même l'immaturité ou la sénescence d'une branche scientifique, l'immaturité ou la sénescence d'un paradigme admis en clergé des sciences.